La doctrine médicale s’est émue et a analysé le récent Arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 23 mars 2018 relatif à l’infection nosocomiale (RGDM N°68 page 227 – RDS N°84 page 561).
Les auteurs indiquent que le Conseil d’Etat a modifié l’analyse de l’infection nosocomiale et la présomption dont bénéficie la victime.
Ces notes de jurisprudence retiennent que le Conseil d’Etat a décidé de rendre la présomption du caractère nosocomial de l’infection réfragable, permettant alors aux établissements de soins de démontrer le caractère extérieur de l’infection et de diminuer alors de manière ostensible le champ d’indemnisation de l’infection nosocomiale.
Ces analyses sont controuvées et doivent être ramenées à la portée réelle de cet Arrêt du 23 mars 2018 à la lumière d’un autre Arrêt du Conseil d’Etat toujours issu du cabinet JULIA – JEGU – BOURDON en date du 8 juin 2017.
L’analyse chronologique de ces deux Arrêts permet de comprendre la régularité de la jurisprudence du Conseil d’Etat et in fine la préservation des droits des victimes d’infections nosocomiales.
Dans son Arrêt en date du 8 juin 2017, le Conseil d’Etat rappelle son interprétation de l’article L1142-1 du Code de la Santé Publique, indiquant :
« Qu’une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de cette prise en charge présente un caractère nosocomial au sens de ces dispositions ».
Dans cet Arrêt, le Conseil d’Etat casse l’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Douai qui avait retenu que l’inflammation à l’origine du dommage était liée à une infection virale sans rapport avec les soins.
Ainsi le Conseil d’Etat rappelle précisément que l’infection nosocomiale est une infection contractée au cours ou au décours de la prise en charge c’est-à-dire soit pendant l’ensemble des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui sont prodigués lors d’une hospitalisation et toute infection qui intervient pendant l’hospitalisation du patient.
Dans sa décision en date du 23 mars 2018, le Conseil d’Etat rappelle in fine exactement la même position, décrivant en revanche la notion de cause extérieure.
En effet, au point 2 de sa décision, le Conseil d’Etat rappelle :
« Que doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ».
Le Conseil d’Etat rappelle les éléments constitutifs de présomption réfragable posés depuis de longues années par la jurisprudence.
L’établissement de soins peut alors démontrer que l’infection répond aux critères de la force majeure.
Le Conseil d’Etat indique que l’infection étant liée de manière objective non pas à un soin mais à l’état préexistant du patient qui, par régurgitations, provoque une infection nosocomiale, cette infection n’est pas liée à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins mais est en générée par l’état initial de la victime.
Cependant, il convient de lire plus avant cet Arrêt pour comprendre la position du Conseil d’Etat quant à la notion d’infection nosocomiale au cours ou au décours de l’hospitalisation.
En effet, la patiente avait subi d’autres infections lors de traitements et d’hospitalisations en relation avec son état pathologique.
Ces infections étaient liées à la prise en charge et sont apparues au cours d’actes de soins et au cours d’hospitalisations rendues nécessaires par ces actes de soins.
La Cour Administrative d’Appel avait rejeté l’indemnisation des infections au motif qu’elles étaient sans conséquence.
Le Conseil d’Etat sanctionne la Cour Administrative d’Appel, l’obligeant à indemniser toutes les conséquences des infections qu’elle qualifie de nosocomiales.
Ainsi le Conseil d’Etat indique que lorsqu’une infection est générée par la pathologie autonome du patient à l’origine de l’hospitalisation, cette infection n’est pas nosocomiale, laquelle est contractée en amont ou est générée par la propre pathologie.
En revanche, l’ensemble des infections, quelles qu’en soient les conséquences, doivent revêtir le caractère d’infections nosocomiales dès lors qu’elles sont contractées au cours ou au décours d’une hospitalisation et surtout doivent être indemnisées quel que soit leur degré de conséquences.
Ainsi l’Arrêt du 23 mars 2018 ne constitue pas les prémices d’une restriction du champ de l’infection nosocomiale ; bien au contraire, il rappelle, comme les Arrêts qui le précèdent, que toute infection nosocomiale contractée lors d’une hospitalisation doit être indemnisée quelles qu’en soit les conséquences.
Soyez certains de la vigilance du cabinet pour porter avec conviction ces notions et analyses jurisprudentielles.
François JEGU,
Avocat Spécialiste du Droit de la Santé